Le Taureau Farnèse
Cette statue de marbre de grande taille, trouvée en 1546 dans les thermes de Caracalla à Rome, est probablement une copie romaine du début du IIIe siècle ap. J.-C. d'un original sculpté datant de la fin du IIe siècle av. J.-C. et réalisée par les frères Apollonios et Tauriscos de Rhodes. Elle mesure 5 mètres (base 3,30 m x 3,30 m) et pèse 24 tonnes. Elle est exposée au Musée archéologique national de Naples, au rez-de-chaussée, dans la salle 16.
Il s'agit de l'un des rares groupes sculptés qui nous soit parvenu en entier.
Cette montagne en marbre représente le châtiment de Dircé (femme de Lycos, régent de Thèbes), un des pires moments du mythe d’Antiope, qui elle est la fille de Zeus.
En effet, Antiope était très vite devenue l’esclave de son oncle et de sa femme, Dircé, qui la maltraitait. Un jour, Dircé tenta même d’attacher Antiope à un taureau mais ses fils la sauvèrent, alertés par un berger. Ceux-ci lui firent alors subir un châtiment, que cette statue décrit : Amphion – reconnaissable à la lyre qui est à ses pieds – avec l’aide de son frère et sous le regard d’Antiope – en arrière de la scène - et d’un berger tout en bas de la sculpture, attache Dircé à un taureau furieux, afin qu'elle soit trainée par l'animal jusqu'à ce que mort s'ensuive.
L'instant représenté correspond au basculement de l'histoire. Il s'agit du moment précis où le clan d'Antiope cesse d'être victime et reprend le contrôle des événements.
Le sculpteur a voulu rendre perceptible la violence de cette scène et son mouvement. Pour cela, il a mis en œuvre des recettes bien connues de l'art baroque hellénistique, qui a justement pour but d'exprimer la tension dramatique et les forces passionnelles qui animent les hommes.
1. Composition
Vue de derrière ou de devant, la composition pyramidale rend perceptible une élévation, une trajectoire ascendante. La pyramide exclut Antiope, dont l'immobilité est renforcée par contraste.
http://blogs.crespel.me/italie/files/2011/03/122-Museo-Archeologico-Nazionale-Taureau-Farnese.jpg
Il s'agit d'une ronde bosse, le spectateur est donc destiné à tourner autour de l’œuvre. En circulant autour, on constate que la composition change. En se positionnant à la gauche d'Antiope ou à sa droite, la sculpture entre dans une forme de trapèze qui évoque la proue d'un navire et donne une autre direction : vers l'avant. En circulant autour du groupe, le spectateur perçoit ainsi un mouvement oscillatoire entre les deux trajectoires.
2. Lignes de force
Les bras et les pattes du taureau forment des lignes courtes dont le placement évoque une série de mouvements circulaires. (cf. image ci-dessous, avec le symbole de la svastika - symbole antique de prospérité et de bonheur, qui deviendra l'emblème nazi connu sous le nom de la croix gammée -, etc.).
3. Représentation
Le mouvement est aussi évoqué par la représentation de formes contradictoires. En représentant deux forces qui s'opposent, le sculpteur crée une tension visuelle.
Exemple : nous savons tous quelle est la posture et l'attitude normale d'un taureau. Ici, la tête du taureau est représentée de telle sorte que l'on devine l'effort de l'animal pour la redresser. On devine aussi la cause de cette inclinaison (la force de quatre bras qui s'exerce en trois points – les deux cornes et le museau – de façon également circulaire). Toutes ces forces sont perceptibles car elles sont contradictoires.
Les drapés qui se soulèvent et se tordent rendent aussi évident le mouvement des personnages : la cape d'Amphion, le fil qui tient la tête du taureau. Ces différents drapés rappellent habilement les plis du cou de l'animal en torsion.
Tous les personnages sont exagérément déhanchés. Leur posture est en elle-même une manière de donner du mouvement à la figure. Même la figure d'Antiope (ci-dessous, à droite) présente un contrapposto (= attitude du corps humain où l'une des deux jambes porte le poids du corps, l'autre étant laissée libre et légèrement fléchie, comme sur l'image ci-dessous à gauche, copie romaine d'après Polyclète, Ier s. ap. J.-C., British Museum), mais dans le style classique de Polyclète, qui contraste avec le reste du groupe. Elle reste bien immobile, mais vivante.
Des animaux représentés autour de la scène renforcent l'idée de la mobilité (l'animation) du monde.
S. Culpo et C. Rambaud.
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